François Béranger, chanteur
libertaire
LE MONDE | 15.10.03 | 14h22
Chanteur qui accompagna les utopies sociales après Mai 1968, et ne dérogea jamais au dogme de l'opposition et de la subversion, François Béranger est mort des suites d'un cancer mardi 14 octobre à son domicile de Sauve (Gard). Il était âgé de 66 ans. Né le 28 août 1937 à Amilly (Loiret), près de Montargis, le pays d'Aristide Bruant, il avait publié en 1969 Tranche de vie, un album que les amateurs de chansons anticommerciales connaissent encore par cœur. Armé d'une guitare, cheveux longs noués en catogan, voix rauque, Béranger mêlait la dénonciation à la tendresse. Dans ce même disque, il reprenait un classique d'Aristide Bruant, A la Goutte d'Or, devenu ainsi le flambeau de la contestation issue de Mai 1968. François Béranger, c'est son vrai nom, passe son enfance à Suresnes. Son père est ouvrier chez Renault, aux usines de Billancourt, syndicaliste au verbe haut, qui sera député de la Nièvre de 1945 à 1952. Sa mère est couturière à domicile. Pendant ce temps, le jeune Béranger écoute ses classiques : Damia, Fréhel, Jean Sablon. En 1954, il devient à son tour ouvrier chez Renault, avant de rejoindre une troupe de théâtre amateur, La Roulotte. En 1958, il est appelé sous les drapeaux, d'abord en caserne à Berlin, puis envoyé en 1959 à Oran, déjà "pacifié par la Légion étrangère". Les actes de tortures auxquels il assiste le marqueront à vie, il "s'échappe" par l'imaginaire en dévorant des livres, écrit ses premiers textes de chansons. A son retour à Paris, François Béranger fait des petits boulots dans le cinéma (assistant, régie, chargé de production...) et pour la publicité. Il rejoint le service de la recherche de l'ORTF dirigé par Pierre Schaeffer. Dans la grande maison, Béranger tâte à toutes les tâches du son et de la radio. Arrive Mai 1968. Béranger est âgé de 31 ans. Son expérience est différente de celle des étudiants mais les événements et la grève générale ravivent son envie d'écrire. Porté par une maquette de douze chansons, il signe pour cinq ans chez CBS chez qui paraît son premier disque Tranche de vie en 1969. Mais, en opposition avec la logique commerciale des grandes maisons de disques, il rejoint, en 1972, le label L'Escargot pour qui il enregistrera huit albums en dix ans. Durant cette période, Béranger joue partout. Plus de cent concerts par an - pour lesquels le chanteur développe une politique de prix d'entrées modiques - dans un circuit fréquenté par Dick Annegarn, Catherine Ribeiro, Maxime Leforestier... Dans le même temps, Béranger a rencontré le guitariste Jean-Pierre Alarcen, avec qui il travaille jusqu'en 1978, dans une veine plus électrique. En 1981, François Mitterrand est élu président de la République. La gauche arrive au pouvoir. "Le vrai changement c'est quand, ?" dit-il en 1982 avant de prendre un "septennat sabbatique". En 1989 il rencontre Francis Kertekian, patron de Just'In, qui favorise son retour à la scène et au disque. Béranger va nouer ensuite de belles relations avec la société Futur-Acoustic, qui réédite ses anciens albums en CD et le produit depuis 1992. Tranche de vie et les quatorze albums suivants étaient habités de chansons telles que Natacha, Départementale 26, Combien ça coûte, Aux exclus, ou la très humaine Mamadou m'a dit, hymne à la lutte contre le racisme et pour le respect des immigrés. Récemment, Sanseverino avait repris l'un des classiques du chanteur Le Tango de l'ennui. François Béranger venait d'enregistrer un album consacré au répertoire du Québécois Félix Leclerc. Véronique Mortaigne • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.10.03
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